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« Tout brûlé ! dit-elle tristement. Tout perdu ! Je ne verrai plus le château, je serai morte avant qu’il soit rebâti, je le sens ; je suis faible et malade, très malade, quoi qu’en dise maman…

« Viens, mon Cadichon, continua-t-elle après être restée quelques instants pensive et immobile ; viens, sortons maintenant ; il faut que je trouve maman et papa pour les rassurer. Ils me croient morte ! »

Elle franchit légèrement les pierres tombées, les murs écroulés, les poutres encore fumantes. Je la suivais ; nous arrivâmes bientôt sur l’herbe ; là elle monta sur mon dos, et je me dirigeai vers le village. Nous ne tardâmes pas à trouver la maison où s’étaient réfugiés les parents de Pauline ; croyant leur fille perdue, ils étaient dans un grand chagrin.

Quand ils l’aperçurent, ils poussèrent un cri de joie et s’élancèrent vers elle. Elle leur raconta avec quelle intelligence et quel courage je l’avais sauvée.

Au lieu de courir à moi, me remercier, me caresser, la mère me regarda d’un œil indifférent ; le père ne me regarda pas du tout.

« C’est grâce à lui que tu as manqué de périr, ma pauvre enfant, dit la mère. Si tu n’avais pas eu la folle pensée d’aller ouvrir son écurie et le détacher, nous n’aurions pas passé une nuit de désolation, ton père et moi.

— Mais, reprit vivement Pauline, c’est lui qui m’a…