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Pauline hésita encore un instant ; puis elle dit bien bas et en hésitant bien fort :

— J’ai coupé des poils de Cadichon pour…

La maman, avec impatience.

Pour ? Eh bien ! achève donc ! Pour quoi faire ?

Pauline, très bas.

Pour mettre dans le médaillon.

La maman, avec colère.

Dans quel médaillon ?

Pauline.

Dans celui que vous m’avez donné.

La maman, de même.

Celui que je t’ai donné avec mes cheveux ! Et qu’as-tu fait de mes cheveux ?

— Ils y sont toujours ; les voilà, répondit la pauvre Pauline en présentant le médaillon.

— Mes cheveux mêlés avec les poils de l’âne ! s’écria la maman avec emportement. Ah ! c’est trop fort ! Vous ne méritez pas, mademoiselle, le présent que je vous ai fait. Me mettre au rang d’un âne ! Témoigner à un âne la même tendresse qu’à moi ! »

Et, arrachant le médaillon des mains de la malheureuse Pauline stupéfaite, elle le lança à terre, piétina dessus et le brisa en mille morceaux. Puis, sans regarder sa fille, elle sortit de l’écurie en fermant la porte avec violence.

Pauline, surprise, effrayée de cette colère subite, resta un moment immobile. Elle ne tarda pas à éclater en sanglots, et, se jetant à mon cou, elle me dit :