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je jugeais méchant parce que le pauvre garçon avait été quelquefois sot et vaniteux.

Ce qui me donna la pensée d’écrire mes Mémoires, ce fut une suite de conversations entre Henri et ses cousins. Henri soutenait toujours que je ne comprenais pas ce que je faisais, ni pourquoi je le faisais. Ses cousines, et Jacques surtout, prenaient le parti de mon intelligence et de ma volonté de bien faire. Je profitai d’un hiver fort rude, qui ne me permettait guère de rester dehors, pour composer et écrire quelques événements importants de ma vie. Ils vous amuseront peut-être, mes jeunes amis, et, en tout cas, ils vous feront comprendre que, si vous voulez être bien servis, il faut bien traiter vos serviteurs ; que ceux que vous croyez les plus bêtes ne le sont pas autant qu’ils le paraissent ; qu’un âne a, tout comme les autres, un cœur pour aimer ses maîtres, être heureux ou malheureux, être un ami ou un ennemi, tout pauvre âne qu’il est. Je vis heureux, je suis aimé de tout le monde, soigné comme un ami par mon petit maître Jacques ; je commence à devenir vieux, mais les ânes vivent longtemps, et, tant que je pourrai marcher et me soutenir, je mettrai mes forces et mon intelligence au service de mes maîtres.



fin