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Je recommençai les tours de la veille et j’y ajoutai des danses exécutées avec grâce ; je valsai, je polkai, et je jouai à Ferdinand le tour innocent de l’engager à valser en brayant devant lui, et en lui présentant le pied de devant comme on criait : « Oui, oui, une valse avec l’âne ! » il s’élança dans le cercle en riant, et il se mit à faire mille sauts et gambades, que j’imitai de mon mieux.

Enfin, me sentant fatigué, je laissai Ferdinand gambadant tout seul, j’allai comme la veille chercher une terrine ; n’en trouvant pas, je pris dans mes dents un panier sans couvercle, et je fis le tour, comme la veille, présentant mon panier à chacun. Il fut bientôt si plein, que je dus le vider dans la blouse de celui qu’on croyait mon maître ; je continuai la quête ; quand tout le monde m’eut donné, je saluai la société et j’attendis que mon maître eût compté l’argent que je lui avais fait gagner ce soir-là, et qui se montait à plus de trente-quatre francs. Trouvant que j’avais assez fait pour lui, que mon ancienne faute était réparée, et que je pouvais retourner chez moi, je saluai mon maître, et, fendant la foule, je partis au trot.

« Tiens ! v’là votre bourri qui s’en va, dit Hutfer, l’aubergiste.

— C’est qu’il file joliment, » dit Ferdinand.

Mon prétendu maître se retourna, me regarda d’un air inquiet, m’appela : « Mirliflore, Mirli-