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et je mis ma tête sur son épaule. La bonne femme poussa un cri, se leva précipitamment de dessus sa chaise, et parut effrayée. Je ne bougeai pas ; je la regardai d’un air doux et suppliant.

« Pauvre bête ! dit-elle enfin, tu n’as pas l’air méchant. Si tu n’appartiens à personne, je serais bien contente de t’avoir pour remplacer mon pauvre vieux Grison, mort de vieillesse. Je pourrai continuer à gagner ma vie en vendant mes légumes au marché. Mais… tu as sans doute un maître, ajouta-t-elle en soupirant.

— À qui parlez-vous, grand’mère ? dit une voix douce qui venait de l’intérieur de la maison.

— Je cause avec un âne qui est venu me mettre la tête sur l’épaule, et qui me regarde d’un air si doux que je n’ai pas le cœur de le chasser.

— Voyons, voyons », reprit la petite voix.

Et aussitôt je vis sur le seuil de la porte un beau petit garçon de six à sept ans. Il était pauvrement mais proprement vêtu. Il me regarda d’un œil curieux et un peu craintif.

« Puis-je le caresser, grand’mère ? dit-il.

— Certainement, mon Georget ; mais prends garde qu’il ne te morde. »

Le petit garçon allongea son bras, et, ne pouvant m’atteindre, il avança un pied, puis l’autre, et put me caresser le dos.

Je ne bougeai pas, de peur de l’effrayer ; seulement je tournai ma tête vers lui, et je passai ma langue sur sa main.