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maître ? Il mangeait les légumes, il cassait les œufs, il salissait le linge… Décidément, je fais comme toi, je ne l’aime plus. »

Élisabeth et Henri se levèrent et continuèrent leur promenade. Je restai triste et humilié. D’abord je voulus me fâcher et chercher une petite vengeance à exercer ; mais je pensai qu’ils avaient raison. Je m’étais toujours vengé ; à quoi m’avaient servi mes vengeances ? à me rendre malheureux.

D’abord j’avais cassé les dents, les bras et l’estomac à une de mes maîtresses. Si je n’avais pas eu le bonheur de m’échapper, j’aurais été battu à me faire presque mourir.

J’avais fait mille méchancetés à mon autre maître, qui avait été bon pour moi tant que je n’avais pas été paresseux et méchant, depuis il m’avait très maltraité, et j’avais été très malheureux.

Quand Auguste avait tué mon ami Médor, je n’avais pas réfléchi qu’il l’avait fait par maladresse et non par méchanceté. S’il était bête, ce n’était pas de sa faute ; j’avais persécuté ce malheureux Auguste, et j’avais fini par le rendre très malade en le jetant dans la mare de boue.

Et puis, que de petites méchancetés j’avais faites que je n’ai pas racontées !

J’avais donc fini par ne plus être aimé de personne. J’étais seul ; personne ne venait près de moi me consoler, me caresser ; les animaux même me fuyaient.

« Que faire ? me demandai-je tristement. Si je