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Jacques.

Oui, c’est Cadichon.

M. Tudoux, avec calme.

Alors prenez-y garde ; il pourrait bien vous jeter dans un fossé comme il l’a fait pour Auguste. Dites à votre grand’mère qu’elle ferait bien de le vendre ; c’est un animal dangereux. »

M. Tudoux salua et s’en alla. Je restai tellement étonné et humilié, que je ne songeai à me mettre en route que lorsque mes petits maîtres m’eurent répété trois fois :

« Allons, Cadichon, en route !… Allons donc, Cadichon, nous sommes pressés ! Vas-tu nous faire coucher ici, Cadichon ? Hue ! hue donc ! »

Je partis enfin et je courus tout d’un trait jusqu’au perron, où attendaient cousins, cousines, oncles et tantes, papas et mamans.

« Il va mieux, » s’écrièrent Jacques et Louis ; et ils se mirent à raconter leur conversation avec M. Tudoux, sans oublier son dernier conseil.

J’attendais avec une vive impatience la décision de la grand’mère. Elle réfléchit un instant.

« Il est certain, mes chers enfants, que Cadichon ne mérite plus notre confiance ; j’engage les plus jeunes d’entre vous à ne pas le monter ; à la première sottise qu’il fera, je le donnerai au meunier, qui l’emploiera à porter ses sacs de farine ; mais je veux encore l’essayer avant de le réduire à cet état d’humiliation ; peut-être se corrigera-t-il. Nous verrons bien d’ici à quelques mois.