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regardé sa physionomie pendant ce temps, il avait en regardant Auguste, un air méchant que je ne lui vois qu’avec les gens qu’il déteste. Nous autres, il ne nous regarde pas de même. Avec Auguste, ses yeux brillent comme des charbons ; il a, en vérité, le regard d’un diable. N’est-ce pas, Cadichon, ajouta-t-il en me regardant fixement, n’est-ce pas, Cadichon, que j’ai bien deviné, que tu détestes Auguste, et que c’est exprès que tu as été si méchant pour lui ? »

Je répondis en brayant et puis en passant ma langue sur sa main.

« Sais-tu, dit Camille, que Cadichon est un âne vraiment extraordinaire ? Je suis sûre qu’il nous entend et qu’il nous comprend. »

Je la regardai avec douceur, et, m’approchant d’elle, je mis ma tête sur son épaule.

« Quel dommage, mon Cadichon, dit Camille, que tu deviennes de plus en plus colère et méchant, et que tu nous obliges à t’aimer de moins en moins ; et quel dommage que tu ne puisses pas écrire ! Tu as dû voir beaucoup de choses intéressantes, continua-t-elle en passant sa main sur ma tête et sur mon cou. Si tu pouvais écrire tes Mémoires, je suis sûre qu’ils seraient bien amusants !

Henri.

Ma pauvre Camille, quelle bêtise tu dis ! Comment veux-tu que Cadichon, qui est un âne, puisse écrire des Mémoires ?

Camille.

Un âne comme Cadichon est un âne à part.