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l’admiration augmentait ; on se pressait, on s’étouffait autour de moi ; les gendarmes furent obligés de faire écarter la foule. Heureusement que les parents de Louis, de Jacques et de tous mes autres maîtres avaient emmené les enfants dès que la foule s’était amassée autour de moi. J’eus beaucoup de peine à m’échapper, même avec le secours des gendarmes ; on voulait me porter en triomphe. Je fus obligé, pour me soustraire à cet honneur, de donner par-ci par-là quelques coups de dents, et même de décocher quelques ruades ; mais j’eus soin de ne blesser personne, c’était seulement pour faire peur et m’ouvrir un passage.

Une fois débarrassé de la foule, je cherchai Louis et Jacques ; je ne les aperçus d’aucun côté. Je ne voulais pourtant pas que mes chers petits maîtres revinssent à pied jusque chez eux. Sans perdre mon temps à les chercher, je courus à l’écurie où l’on mettait toujours nos chevaux et nos harnais. J’y entrai, je ne les y trouvai plus ; on était parti. Alors, courant à toutes jambes sur la grand’route qui menait au château, je ne tardai pas à rattraper les voitures, dans lesquelles on avait entassé les enfants sur les parents ; ils étaient une quinzaine dans les deux calèches.

« Cadichon ! voilà Cadichon ! » s’écrièrent tous les enfants quand ils m’aperçurent.

On fit arrêter les voitures ; Jacques et Louis demandèrent à descendre pour m’embrasser, me complimenter et revenir à pied ; puis Jeanne et