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affamés. Les enfants se disputaient les dragées et les centimes : tous se précipitaient vers le même point ; ils s’arrachaient les cheveux ; ils se battaient, ils se roulaient par terre, ils se disputaient chaque dragée et chaque centime. Il y en eut la moitié de perdus, foulés aux pieds, disparus dans l’herbe. Pierre ne riait pas ; Camille, qui avait ri aux premières poignées, ne riait plus, elle voyait que les batailles étaient sérieuses, que plusieurs enfants pleuraient, que d’autres avaient la figure égratignée.

Quand ils furent remontés en voiture :

« Tu avais raison, Pierre, dit-elle ; la prochaine fois que je serai marraine, je donnerai les dragées à tous les enfants, mais je ne les jetterai pas.

— Ni moi les centimes, dit Pierre, je les donnerai comme toi. »

La voiture partit ; je n’entendis pas la suite de leur conversation.

Les miens remontèrent dans mon équipage. Mais, cette fois, les papas et les mamans voulurent nous accompagner.

« Cadichon a produit son effet, dit la maman de Camille ; il peut revenir plus sagement, ce qui nous permettra de faire la route avec vous.

— Maman, dit Madeleine, est-ce que vous aimez cet usage de jeter aux enfants des dragées et des centimes ?

La maman.

Non, ma chère enfant, je trouve cela ignoble ; les