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À mesure que les parents arrivaient, ils admiraient ma vitesse, et ils faisaient compliment aux enfants sur leur équipage.

Le fait est que nous faisions un bon effet, ma voiture et moi. J’étais bien brossé, et bien peigné ; mon harnais étais ciré, verni ; il était semé de pompons rouges ; on m’avait mis des dahlias panachés rouge et blanc au-dessus des oreilles. La voiture était brossée, vernie. Nous avions très bon air.

J’entendis par la fenêtre ouverte la cérémonie du baptême ; l’enfant cria comme si on l’égorgeait. Camille et Pierre, un peu embarrassés de leurs grandeurs, s’embrouillèrent en disant le Credo ; le curé fut obligé de les souffler. Je jetai un cou d’œil à la fenêtre : je vis la pauvre marraine et le malheureux parrain rouges comme des cerises, et les larmes dans les yeux. Pourtant, ce qui leur arrivait était bien naturel, et arrive à bien des grandes personnes.

Quand la petite Marie-Camille fut baptisée, on sortit de l’église pour jeter aux enfants, qui attendaient à la porte, les dragées et les centimes. Aussitôt que le parrain et la marraine parurent, les enfants crièrent tous ensemble : « Vive le parrain ! vive la marraine ! »

Le panier de dragées était prêt ; on l’apporta à Camille, pendant qu’on donnait à Pierre le panier de centimes. Camille prit une poignée et la fit retomber en pluie sur les enfants ; là commença une véritable bataille, une vraie scène de chiens