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mais ce n’était que par excès de prudence, car, avec moi, ils savaient qu’il n’y avait rien à craindre.

Je partis au galop, malgré la charge que je traînais ; mon amour-propre me poussait à atteindre et même à dépasser la calèche. J’allais comme le vent ; les enfants étaient enchantés.

« Bravo ! criaient-ils. Courage, Cadichon ! Encore un temps de galop ! Vive Cadichon, le roi des ânes. »

Ils battaient des mains, ils applaudissaient.

« Bravo ! criaient les personnages que je dépassais sur la route. En voilà-t-il un âne ! Il court tout comme un cheval. Allons, hardi, bonne chance et pas de culbute ! »

Les papas et les mamans, qui étaient échelonnés le long du chemin, n’étaient pas très rassurés ; ils voulurent me faire ralentir, mais je ne les écoutai pas, et je n’en galopai que mieux. Je ne tardai pas à rattraper la calèche ; je passai triomphalement devant les chevaux, qui me regardaient avec surprise. Se trouvant humiliés, eux qui étaient partis avant, d’être dépassés par un âne, ils voulurent aussi se mettre au galop ; mais le cocher les retint, et ils furent obligés de ralentir leur pas, tandis que j’allongeais le mien.

Quand la calèche arrêta à la porte de l’église, tous mes petits maîtres et maîtresses étaient déjà descendus de voiture, et moi, je m’étais rangé le long d’une haie pour avoir de l’ombre ; j’avais chaud, j’étais essoufflé.