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de peu de valeur, était enchanté ; mon pauvre ami fut immédiatement attaché avec un bout de corde, et emmené par son nouveau maître ; il me regarda d’un air douloureux ; je courus de tous côtés pour chercher un passage dans la haie, les brèches étaient bouchées ; je n’eus même pas la consolation de recevoir les adieux de mon cher Médor. Depuis ce jour je m’ennuyai mortellement ; ce fut peu de temps après qu’eut lieu l’histoire du marché, et ma fuite dans la forêt de Saint-Évroult. Pendant les années qui ont suivi cette aventure, j’ai souvent, bien souvent pensé à mon ami, et j’ai bien désiré le retrouver ; mais où le chercher ? J’avais su que son nouveau maître n’habitait pas le pays, qu’il n’y était venu que pour voir un de ses amis.

Quand je fus amené chez votre grand’mère par mon petit Jacques, jugez de mon bonheur en voyant quelques temps après arriver, avec votre oncle et vos cousins Pierre et Henri, mon ami, mon cher Médor. Il fallait voir la surprise générale lorsqu’on vit Médor courir à moi, me faire mille caresses, et moi le suivre partout. On crut que c’était pour Médor la joie de se trouver à la campagne ; pour moi, on pensa que j’étais bien aise d’avoir un compagnon de promenade. Si l’on avait pu nous comprendre, deviner nos longues conversations, on aurait compris ce qui nous attirait l’un vers l’autre.

Médor fut heureux de tout ce que je lui ra-