Page:Ségur - Mémoires d’un âne.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

On m’avait donné mon dîner : un picotin d’avoine, une brassée de salade, carottes et autres légumes ; j’avais bu, j’avais mangé, j’étais prêt à partir. Quand on vint me prendre, je me plaçai tout d’abord à la tête de la troupe, et nous nous mîmes en route, l’âne servant de guide aux gendarmes. Ils n’en furent pas humiliés, car ils étaient bonnes gens. On croit que les gendarmes sont sévères, méchants, c’est tout le contraire : pas de meilleures gens, de plus charitables, de plus patients, de plus généreux que ces bons gendarmes. Pendant toute la route ils eurent pour moi tous les soins possibles : ralentissant le pas de leurs chevaux quand ils me croyaient fatigué, et me proposant de boire à chaque ruisseau que nous traversions.

Le jour commençait à baisser lorsque nous arrivâmes au couvent. L’officier donna ordre de suivre tous mes mouvements et de marcher tous ensemble. Mais, comme leurs chevaux pouvaient les gêner, ils les avaient laissés dans un village voisin de la forêt. Je les menai sans hésiter à l’entrée de l’arche, près des broussailles d’où j’avais vu sortir les douze voleurs. Je vis avec inquiétude qu’ils restaient près de l’entrée. Pour les éloigner, je fis quelques pas derrière le mur ; ils me suivirent. Quand ils y furent tous, je revins aux broussailles, les empêchant d’avancer quand ils voulaient me suivre. Ils me comprirent, et restèrent cachés le long du mur.

Je m’approchai alors de l’entrée des souterrains,