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en partage au petit Louis, cousin de Jacques ; c’était un excellent petit garçon, et j’aurais été très content de mon sort, si je n’avais vu le pauvre petit Jacques essuyer en cachette ses yeux pleins de larmes. Chaque fois qu’il me regardait, ses larmes débordaient ; il me faisait de la peine, mais je ne pouvais le consoler ; il fallait bien d’ailleurs qu’il apprît comme moi la résignation et la patience. Il finit par prendre son parti, et monta son âne en disant au cousin Louis :

« Je resterai toujours près de toi, Louis ; ne fais pas trop galoper Cadichon, pour que je ne reste pas en arrière.

Louis.

Et pourquoi resterais-tu en arrière ? Pourquoi ne galoperais-tu pas comme moi ?

Jacques.

Parce que Cadichon galope plus vite que tous les ânes du pays.

Louis.

Comment sais-tu cela ?

Jacques.

Je les ai vus courir pour gagner le prix le jour de la fête du village, et Cadichon les a tous dépassés. »

Louis promit à son cousin qu’il n’irait pas trop vite, et tous deux partirent au trot. Mon camarade n’était pas mauvais, de sorte que je n’eus pas à me gêner beaucoup pour ne pas le dépasser. Les autres nous suivaient tant bien que mal ; nous