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LES VACANCES.

mais ; nous nous retrouverons près de mon Dieu. » Il voulut partir ; mais ce fut une telle explosion de douleur, un tel empressement de lui baiser les pieds, de lui frotter l’oreille, que lui et moi nous eussions été étouffés, si nos braves compatriotes ne s’étaient groupés autour de nous pour écarter les sauvages, et ne nous avaient fait un rempart de leurs corps jusqu’à la mer. Au moment de se rembarquer, mon père donna au roi sa hache et son couteau. Je donnai un couteau à chacun de mes petits amis. Le capitaine avait fait porter sur la chaloupe cent cinquante haches et deux cents couteaux, que mon père distribua aux sauvages. Il leur donna aussi des clous et des scies, des ciseaux, des épingles et des aiguilles pour les femmes. Ces présents causèrent une telle joie, que notre départ devint facile. La nuit était venue quand nous arrivâmes à l’Invincible. Deux heures après on appareilla, c’est-à-dire qu’on se mit en marche ; le lendemain, la terre avait disparu ; nous étions en pleine mer. Notre voyage fut des plus heureux ; trois mois après, nous arrivions au Havre, où recommencèrent les joies de mon père qui se sentait si près de ma mère et de ma sœur. Nous partîmes immédiatement pour Paris ; nous courûmes au ministère de la marine, où nous rencontrâmes M. de Traypi. Mon père repartit