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LES VACANCES.

comprends maintenant que ce chef le regarde comme ne devant plus le quitter. Mon pauvre Paul, c’est un ami et un protecteur de moins pour toi. — Mon père, lui répondis-je, je n’ai besoin de rien ni de personne, tant que vous serez près de moi. Mais je regrette ce pauvre Normand ; il est si bon et il vous aime tant ! — Nous tâcherons de le rejoindre, dit mon père. Le bon Dieu ne nous laissera pas éternellement à la merci de ces sauvages ! Ce sont de braves gens, mais, ce n’est pas la France ni les Français. Et ma femme, et ma petite Marguerite ! Quel chagrin de ne pas les voir ! »

À partir de ce jour, mon père et moi nous passions une partie de notre temps au bord de la mer, dans l’espérance d’apercevoir un vaisseau à son passage : tout en regardant, nous ne perdions pas notre temps ; mon père abattait des arbres, les préparait et les reliait ensemble pour en faire un bateau assez grand pour nous embarquer avec des provisions et nous mener en pleine mer. Je ne pouvais pas l’aider beaucoup ; mais, pendant qu’il travaillait, j’apprenais à lire les lettres qu’il me traçait sur le sable. Il eut la patience de m’apprendre à lire et à écrire de cette façon. Quand je sus lire, je traçais à mon tour les lettres que je connaissais, puis des mots. Plus tard, mon bon