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LES VACANCES.

le chef délia le Normand, qui fut obligé de passer à son cou la moitié du lien, et chacun se retira chez soi. Mais on voyait encore des têtes apparaître par les trous qui servaient d’entrée aux huttes. « Paul, me dit mon père, avant de dormir, remercions Dieu de ce qu’il a fait pour nous ; après nous avoir sauvés du naufrage, il nous a envoyés dans une tribu de braves gens, où nous vivrons tranquillement jusqu’à ce que nous ayons la bonne chance d’être recueillis par des Européens, ce qui arrivera bientôt, j’espère. Prions aussi pour ceux qui ne sont plus. »

Et me faisant mettre à genoux entre lui et le Normand, à la porte de notre cabane, il récita avec nous le Pater, l’Ave, le Credo, le De profundis, puis il pria tout bas, après quoi il se leva, posa sa main sur ma tête et me dit : « Mon fils, je te bénis. Que Dieu t’accorde la grâce de ne jamais l’offenser et d’être un bon chrétien. » Il m’embrassa ensuite, je pleurai, et je le tins longtemps embrassé. Avant d’entrer dans notre maison, nous vîmes tous les sauvages à l’entrée de leur hutte, nous regardant avec curiosité, mais en silence. Nous rentrâmes, le Normand ferma la porte. « Il nous faudrait un verrou, mon commandant, dit-il. On ne sait jamais si l’on est en sûreté avec ces diables rouges. » Mon père sourit, lui