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LES VACANCES.

parut aussi joyeux que l’avait été le roi, et donna un ordre qu’exécuta un sauvage ; il reparut avec le lien de l’amitié ; le chef fit à son bras et à celui du Normand la même cérémonie qu’avait faite le roi à mon père. Le Normand avait l’air mécontent et humilié. « Mon commandant, dit-il, si ce n’était pas pour vous obéir, je ne me laisserais pas lier à ce chien d’idolâtre. J’ai dans l’idée qu’il n’en résultera rien de bon. Pourvu que je reste près de vous et de Paul, à vous servir tous deux et à vous aimer, je ne demande rien au bon Dieu. » Mon père serra la main au bon Normand, que j’embrassai ; mes petits amis, qui imitaient tout ce que je faisais, voulurent aussi embrasser le Normand, qui allait les repousser avec colère, lorsque je lui dis : « Mon bon Normand, mon ami, sois bon pour eux ; ils m’aiment. » Ce pauvre Normand ! je vois encore sa bonne figure changer d’expression à ces paroles, et me regarder d’un air attendri en embrassant les sauvageons du bout des lèvres. Pendant ce temps on avait apporté le repas du soir. Tout le monde s’assit par petits groupes comme le matin ; les femmes nous servaient. Mes amis sauvages me placèrent entre eux deux, en face de mon père, qui était entre le roi et le Normand, lié au bras du chef. Après le souper, que je mangeai de bon appétit,