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LES VACANCES

arbres, qui étaient des palmiers cocotiers et des palmiers-dattiers. Le Normand nous apporta quelques noix de coco et aussi des dattes tombées des palmiers. Le commandant ouvrit une noix avec sa hache ; il me fit boire l’eau ou plutôt le lait qu’elle contenait, c’était frais et délicieux ; puis il me fit manger la chair de cette noix : je la trouvai excellente et je regrettai amèrement que ma pauvre Sophie ne pût pas en goûter avec moi. Sophie avait toujours été de moitié dans tous mes plaisirs, dans tous mes projets, dans toutes mes sottises même, car j’exécutais ses idées qui n’étaient pas toujours heureuses, il faut le dire[1]. Et maintenant, je me la représentais dans ce vilain baquet qui sautait sur ces énormes vagues ; et je croyais bien qu’elle était engloutie par la mer, ainsi que mon pauvre oncle. (Sophie lui tend la main, il la serre et continue.) Je m’aperçus que mon père me regardait boire et manger, et ne mangeait pas lui-même : « Et vous, mon père ? lui dis-je. Prenez, prenez, vous avez chaud, vous avez soif. — Ne t’occupe pas de moi, mon cher enfant ; je suis un homme, un marin ; je sais supporter la faim, la soif, le chaud, le froid. Je suis

  1. Voyez les Malheurs de Sophie, du même auteur. (Note de l’éditeur.)