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LES VACANCES.

Mais aussi, c’était trop fort ! Savoir sa femme à deux pas de soi et ne pouvoir l’embrasser après six ans d’absence, c’est trop pour la force d’un homme… Ma Françoise, ma chère femme, reviens à toi ; regarde-moi, parle-moi. C’est moi, ton mari. »

Lucie faisait sentir du vinaigre à sa mère. M. de Rugès la fit étendre par terre, et lui jeta quelques gouttes d’eau au visage. Lecomte, à genoux près d’elle, soutenait sa tête dans ses mains ; Lucie, à genoux de l’autre côté, frottait de vinaigre les tempes de sa mère, et en mouillait ses lèvres.

Peu d’instants après, Françoise ouvrit les yeux, regarda Lucie, lui sourit, puis, se sentant soutenue du côté opposé, elle tourna la tête, regarda son mari, et, faisant un effort pour se soulever, se jeta à son cou et sanglota.

« Elle pleure, il n’y a plus de danger, dit M. de Rugès. Nous sommes inutiles maintenant. Laissons-les à leur bonheur ; la présence d’étrangers ne pourrait que les gêner. »

Et sans faire leurs adieux, ils sortirent de la maison blanche, fermant la porte après eux, et emmenant les enfants qui s’étaient groupés à l’entrée pour voir la scène de reconnaissance.

On parla peu au retour ; chacun était touché et attendri du bonheur de ces braves gens. Les évè-