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LES MALHEURS DE SOPHIE.

grand qu’un petit âne ; on lui permettait de donner elle-même du pain à son poney. Souvent elle mordait dedans avant de le lui présenter.

Un jour qu’elle avait plus envie de ce pain bis que de coutume, elle prit le morceau dans ses doigts, de manière à n’en laisser passer qu’un petit bout.

« Le poney mordra ce qui dépasse de mes doigts, dit-elle, et je mangerai le reste. »

Elle présenta le pain à son petit cheval, qui saisit le morceau et en même temps le bout du doigt de Sophie, qu’il mordit violemment. Sophie n’osa pas crier, mais la douleur lui fit lâcher le pain, qui tomba à terre : le cheval laissa alors le doigt pour manger le pain.

Le doigt de Sophie saignait si fort, que le sang coulait à terre. Elle tira son mouchoir et s’enveloppa le doigt bien serré, ce qui arrêta le sang, mais pas avant que le mouchoir eût été trempé. Sophie cacha sa main enveloppée sous son tablier, et la maman ne vit rien.

Mais, quand on se mit à table pour dîner, il fallut bien que Sophie montrât sa main, qui n’était pas encore assez guérie pour que le sang fût tout à fait arrêté. Il arriva donc qu’en prenant sa cuiller, son verre, son pain, elle tachait la nappe. Sa maman s’en aperçut.

« Qu’as-tu donc aux mains, Sophie ? dit-elle ; la nappe est remplie de taches de sang autour de ton assiette.