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Arthur avaient un peu pitié de leur frère, tout en se disant qu’il avait mérité la punition. Ils se laissèrent laver et habiller en silence ; en s’en allant, Sophie dit tout bas à Léonce :

« Je t’apporterai mes gâteaux et mon dessert.

— Merci, Sophie, répondit Léonce ; tu es bonne. »

Effectivement Sophie réussit à glisser dans sa poche deux gâteaux, une orange mandarine, une pomme d’api et des fruits confits. Elle crut que personne ne l’avait vue faire, et s’applaudit de son habileté. Après le dîner, elle s’esquiva du salon pour aller voir Léonce et lui porter ce qu’elle avait pu lui garder. Léonce la remercia, l’embrassa et mangea avec grand plaisir le dessert de Sophie ; il voulait au moins partager avec elle, mais elle refusa, en disant qu’elle avait beaucoup mangé et qu’elle n’avait plus envie de rien.

Quand Sophie rentra au salon, son papa l’appela.

« Sophie, tu as oublié ton dessert sur la table, le voilà en entier : mandarine, pomme, fruits confits, tu n’as rien mangé.

Sophie, étonnée.

Mon dessert ? Comment, mon dessert ? Mais je l’ai eu à table.

Le papa.

Tu l’as eu et tu l’as mangé ?

Sophie.

Je l’ai eu, papa ; bien sûr, je l’ai eu.

Le papa, souriant.

Et tu l’as mangé ? »