Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.

jusqu’à la fin au supplice des pauvres écrevisses ; elles s’en allèrent raconter à leurs cousins et cousines ce qu’elles venaient de voir.

Camille.

Mais, Jeanne, on fait souffrir toutes les bêtes que nous mangeons ; vois les poissons : on leur ouvre le ventre tout vivants, on leur arrache les entrailles, et on les coupe en morceaux ; chaque morceau remue encore quand on les met frire. Et les poulets, les moutons, et toutes les autres bêtes, crois-tu qu’elles ne souffrent pas quand on leur coupe le cou ?

Jeanne.

C’est vrai ça ! Elles souffrent, ces pauvres bêtes… Je conçois que cela est nécessaire… Mais ce qui est singulier, c’est que le bon Dieu, qui est bon, permette que les hommes aussi souffrent si souvent.

Camille.

Quand tu seras plus grande, tu le comprendras, et tu verras que cela n’empêche pas le bon Dieu d’être bon.

Jeanne.

Dis-le-moi tout de suite, Camille ; je le comprendrai, je t’assure.

Camille.

Eh bien, le bon Dieu permet que les hommes souffrent pour nous faire voir que notre vraie bonne vie n’est pas dans ce monde, et puis pour nous punir du mal que nous faisons tous les jours et continuellement.