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Les enfants coururent en avant ; la maman les suivit plus lentement.

Henri, essoufflé.

Nourrice, nourrice, donne-nous vite la lettre. Jacques et Louis disent que ce n’est pas vrai ; que c’est Jules et Nicolas qui sont des méchants.

La nourrice.

Quoi, pas vrai ? Comment, méchants ?

Henri.

Tu vas voir, tu vas voir ; ta mère n’est pas morte ; je te dis que c’est Jules et Nicolas. »

La nourrice devint pâle et tremblante ; elle tira avec peine de sa poche la lettre fatale, que saisit Pierre pour la passer à sa maman, qui venait d’entrer. La maman regarda l’adresse ; c’était le timbre de Paris. Elle ouvrit avec précipitation, et vit en haut de la lettre 1er AVRIL en gros caractères, et au-dessous, au lieu de Meaux : Cracshourie.

« C’est une attrape ! s’écria Mme d’Arcé avec indignation ; une méchante et misérable attrape ! Nourrice, votre mère n’est ni morte ni malade. Jacques et Louis viennent nous prévenir que Jules et Nicolas se proposaient de vous faire une méchanceté pour le 1er avril ; et, en effet, la voilà, abominable et noire comme le cœur de ces malheureux enfants. »

La nourrice ne pouvait en croire ses oreilles ; elle voulut voir la lettre, mais ses mains tremblaient si fort qu’il lui fut impossible d’en lire un mot. Les enfants riaient et sautaient ; ils embrassaient la nourrice, leur maman, leurs cousins. La