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princesse de Guéménée, meurtre d’un inconnu dont vous aviez caché le cadavre.

— La cassette de madame est dans sa chambre comme elle l’a laissée ; la voiture est rentrée sous la remise. Quant au cadavre, ajouta-t-il avec tristesse, c’était celui de mon père, mort hier matin ; il avait désiré être enterré chez lui, à Krasnacht ; nous y avons mené son corps cette nuit pour l’enterrer demain ; et, comme il pleuvait, j’ai pensé que nous pouvions prendre la voiture de madame sans que personne le sût ; j’ai pris nos chevaux, et nous étions revenus au petit jour ; à ma grande surprise, je n’ai plus trouvé personne. J’ai bien pensé que ces dames s’étaient effrayées. Ma femme avait mis le corps de mon père sur un matelas, sous le lit que la femme de chambre devait occuper ; quand ces dames ont soupé, j’ai deviné à leur air effrayé que la femme de chambre avait vu le corps ; c’est pourquoi je l’ai changée de chambre quand elle a quitté sa maîtresse, et j’ai enfermé madame à double tour dans la sienne, de peur qu’elle aussi ne vît le corps de mon pauvre père. »

Ma tante écoutait avec la plus grande surprise et avec quelque honte l’explication si simple de l’aubergiste. Le bourgmeister n’était pas moins étonné.

« Ce que dit cet homme me semble assez naturel, madame la princesse, dit-il en souriant légèrement ; mais nous allons savoir s’il dit vrai pour la cassette. Veuillez me faire voir la chambre que vous avez occupée. »

Ma tante l’y mena avec empressement, désirant