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Sophie.

Je reviens, parce que j’aime à t’entendre. Je ne te dérange pas du tout. Je soupire parce que je crains, avec tout ce que nous avons à voir, que nous n’ayons pas le temps de tout voir ni de rien entendre. »

Louis ne sait pas s’il doit rire ou se fâcher. Camille prend la parole.

« Sophie, tu es réellement trop taquine ; je t’assure que ce n’est pas bien.

— Pardon, pardon, Camille ; je ne le ferai plus », répond Sophie en riant.

Elle saute au cou de Camille et l’embrasse ; elle se retourne en pirouettant vers Louis, l’embrasse aussi, s’élance sur la chaise qu’elle avait quittée, croise les bras, baisse les yeux.

« Parle, dit-elle, parle, je suis muette,… mais pas sourde : je t’entends.

— Tant pis, dit Louis en souriant ; j’aimerais mieux que tu fusses sourde : tu ne rirais plus de mon histoire. Je commence. »

Sophie le regarde d’un air malicieux ; elle grille de parler, mais elle mord ses lèvres et reste silencieuse et immobile. Louis continue, tout en lui lançant parfois un regard méfiant.

« Ma tante voyageait donc en Allemagne. Elle était pressée d’arriver à Prague, qui était encore à plusieurs journées de route, car dans ce temps on voyageait avec des chevaux : on n’avait pas encore inventé les chemins de fer. On lui avait conseillé de coucher dans une ville dont j’ai oublié le nom,