Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Henriette, de t’avoir blessée par mon injuste sévérité ; console-toi par la pensée que ton histoire est beaucoup plus jolie et mieux racontée que ne l’a été la mienne, dont ils se sont tous moqués avec raison. Mais voilà la différence : toi tu pleures, et moi je me bats et je dis des injures. Tu es bonne et douce, et moi méchante et colère. Vois-tu, c’est encore du remords pour moi.

Camille.

Non, ma bonne Sophie, pas de remords, je t’en prie ; car si tu as été un peu rude, tu n’as pas hésité à réparer ta rudesse, et je suis bien sûre qu’Henriette ne t’en veut plus.

— Non, non, Sophie, je t’aime comme avant, je t’assure », dit Henriette en se jetant à son cou.

L’attendrissement gagna tous les coupables, tous se jetèrent au cou de Sophie, qui finit par demander grâce ; car ce qui avait commencé avec un sentiment de tendresse et de justice devint un jeu, et Sophie était écrasée par les bras et les têtes qui l’entouraient, d’abord avec des larmes dans les yeux, avec le sourire aux lèvres, et enfin avec des éclats de rire et des cris de joie.

« Au secours ! criait Sophie, riant elle-même à perdre haleine. À moi, les grands ! à moi, les raisonnables ! »

Les grands répondirent à l’appel ; Camille, Léonce, Pierre et Louis se jetèrent dans la mêlée, et le combat devint sérieux. La quantité était pour l’attaque ; la qualité, c’est-à-dire la force et l’âge, était pour la défense. Les plus jeunes se glissaient dans