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était caché par les arbres. Le brave homme descendit de son échelle tout triste.

« Eh bien, Nikita, lui dit M. Bogoslafe, tu n’as vu rien de bon, ton visage le dit assez.

— Ils sont là, maître, et ils y resteront… J’ai quelque chose à vous proposer, maître : c’est une chance à courir… Il faut sacrifier les chevaux.

— Et à quoi nous servirait ce sacrifice ? Huit chevaux ne peuvent apaiser la faim de quatre à cinq cents bêtes féroces. Et comment partirons-nous sans chevaux !

— Vous n’en manquerez pas, maître, si vous voulez m’écouter. Les chevaux ont bien bu et bien mangé, ils sont bien reposés ; je les mettrai dehors à coups de fouet ; je n’en garderai que deux, vous allez voir pourquoi. Les chevaux, effrayés à la vue des loups, se mettront à courir du côté de la maison, par où nous sommes venus ; tous les loups se mettront à leur poursuite ; quand ils seront loin, je prendrai le cheval qui sera resté et je courrai à la ville voisine, où je demanderai une escorte et des chevaux pour vous ramener. Si je ne suis pas revenu avec l’escorte à la fin de la journée, alors, maître, vous monterez l’autre cheval et vous aurez, Dieu aidant, une meilleure chance que moi.

— Excellent homme ! dit M. Bogoslafe, ton plan est bon, mais tu en seras la victime, et je ne puis accepter ton dévouement : c’est moi qui partirai le premier.

— Non, maître, car c’est là où sera le danger