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la visite de sa marraine, la fée Bonsens, qui lui témoignait beaucoup d’amitié.

Insatiable, de son côté, ne cessait de vouloir une chose, une autre ; tout l’ennuyait parce que tout lui venait trop facilement ; elle avait en telle abondance joujoux, livres, robes, bijoux, que rien ne lui faisait ni plaisir ni envie. Il en était de même pour son travail ; elle apprenait avec une telle facilité qu’elle ne s’intéressait à rien.

Sans cesse elle obligeait son père de changer ses ministres, de changer les lois, de changer d’alliés et d’amis : elle portait partout le trouble ; on faisait tout ce qu’elle voulait, et cependant on ne pouvait jamais la contenter. Tout le royaume était dans la confusion à cause d’elle.

Cependant elle approchait de ses quinze ans ; elle dit alors à son père qu’elle voulait se mettre à la tête des troupes. Elle eut d’abord quelques succès ; mais le temps passait, les quinze ans d’Insatiable arrivèrent, elle perdit plusieurs batailles ; ses soldats se révoltèrent et refusèrent de la suivre, et elle fut obligée de s’enfuir honteusement.

Quand Insatiable revint à la cour de son père, tout y était en désordre ; chacun la maudissait, la détestait ; on l’appelait à la cour une Pétaudière, par dérision, par moquerie. Le roi, voyant que c’était elle qui avait causé ses malheurs, la chassa de sa présence ; la reine l’engagea à aller rejoindre sa sœur et lui conseilla de se regarder dans le miroir de Modeste. Insatiable, affligée, humiliée,