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La nourrice.

Merci, mon ami, j’accepte ton offre si madame veut bien le permettre, car mon deuil va m’enlever tout ce que j’ai d’argent, et…

La maman.

Ne vous inquiétez pas de votre deuil, nourrice, je le payerai en entier ; gardez votre argent pour vos enfants.

La nourrice.

Madame est bien bonne ; ce sera un grand soulagement pour moi. »

La maman resta encore quelque temps avec la nourrice, qui continuait à pleurer, mais avec plus de calme. Elle se retira ensuite dans sa chambre ; Pierre l’accompagna ; Henri ne voulut pas quitter sa nourrice, qu’il cherchait à consoler par tous les moyens possibles ; il répétait souvent :

« Quel dommage que ce ne soit pas ton beau-père qui soit mort ! Si j’avais été le bon Dieu, j’aurais fait mourir ton beau-père et j’aurais fait vivre ta mère jusqu’au jour où nous mourrions tous ensemble. C’est ça qui eût été bien, n’est-ce pas, nourrice ? »

La nourrice souriait à travers ses larmes, embrassait Henri et pleurait toujours ; le pauvre enfant se désolait et ne savait qu’imaginer pour la distraire. Sa maman vint le chercher pour laisser la nourrice sortir et acheter son deuil. Il alla s’asseoir dans la chambre de sa maman et la regarda ranger des affaires qui étaient en désordre. Quand elle voulut remettre en place les différents