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il arrive sur l’homme, qu’il déchire avec ses griffes, et qui criait encore, mais faiblement ; les soldats avaient rechargé leurs fusils ; ils tirent encore, dans un moment où l’ours avait roulé loin de l’homme, et cette fois, après un ou deux gémissements horribles, l’ours reste immobile. On apporte des échelles, on descend dans la fosse et on emporte le malheureux homme, qui était tout déchiré, tout sanglant ; il n’était pas mort pourtant, mais on croyait qu’il ne pourrait pas guérir, tant il avait été mordu et déchiré. Pendant que l’ours dévorait l’homme, la dame avait retrouvé son petit Paul, que ce méchant homme voulait voler. On a su depuis que cet homme volait des enfants pour les vendre à des gens qu’on appelle des saltimbanques, et qui font faire des tours de force aux pauvres petits enfants. Le bon Dieu l’a bien puni cette fois-ci. Ce qui a rendu tout cela moins affreux, c’est la méchante action de cet homme barbu et noir ; tout le monde avait l’air content que le bon Dieu l’eût si terriblement puni. Moi aussi, j’ai été assez contente, tout en désirant de le voir délivrer par les soldats. Quand la pauvre mère a retrouvé son enfant, elle a tant pleuré, qu’on est allé lui chercher de l’eau fraîche pour l’empêcher d’avoir des convulsions ; le pauvre petit pleurait aussi en embrassant sa maman. Quand on a emporté l’homme, on a passé devant eux ; le petit garçon a poussé un cri en se cachant dans la robe de sa maman. Elle a dit : « Malheureux homme ! que Dieu te pardonne, comme je te pardonne de tout