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depuis que je l’ai été sans le vouloir, je me suis bien dit que j’y prendrais garde à l’avenir. »

Les enfants allèrent se coucher. Le lendemain, à l’heure du déjeuner, Mme Éliant raconta que la fermière était venue chez elle tout effarée.

« Madame, m’a-t-elle dit, il faut au plus vite nous défaire de nos poules et purifier le poulailler. Elles sont toutes possédées du diable.

— Que dites-vous là, ma pauvre Mathurine ? Vous savez, comme moi, que c’est impossible.

— Madame ne dirait pas cela si elle avait couché à la ferme cette nuit. Si madame savait quel sabbat m’ont fait ces poules jusqu’à minuit passé, elle dirait comme moi. Déjà hier soir, monsieur et les enfants pourront bien dire à madame le mal qu’elles m’ont donné pour les faire entrer. Pas moyen de les tenir. Une fois enfermées, elles m’ont fait un vacarme d’enfer. Si madame veut m’en croire, elle fera étouffer toutes ces vilaines bêtes, et elle priera M. le curé de jeter de l’eau bénite dans le poulailler. »

Je l’ai laissé parler tant qu’elle a voulu.

« Ma pauvre Mathurine, lui ai-je répondu, vous ne savez donc pas que mon mari s’est amusé à enivrer vos poules avec de l’avoine trempée dans de l’eau-de-vie, et que vos poules étaient non pas endiablées, mais ivres ? Quand l’ivresse a été passée, elles sont redevenues tranquilles. Je suis fâchée que mon mari ne vous l’ait pas dit. Il a craint que vous ne le grondiez ; c’est ce qui l’a empêché de vous donner l’explication de leur gaieté bruyante.