Page:Ségur - Les Bons Enfants, édition 1893.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Léonce.

Parce que je me suis enivré une fois, et je sais comme on est mal à l’aise.

Élizabeth.

Tu t’es enivré, toi ! mais c’est dégoûtant !

Léonce.

Je ne l’ai pas fait exprès. Voilà comme c’est arrivé. J’avais très chaud et très soif. Je verse dans un verre du vin rouge, puis de l’eau ; je bois, je trouve cela excellent et je bois un second verre ; quelques minutes après, ma tête tourne, je marche de travers ; ma bonne s’effraye, me demande ce que j’ai bu ; je lui montre les deux bouteilles. Ce que je croyais être de l’eau était du vin blanc. Ma bonne court vite prévenir maman, qui me fait avaler un verre d’eau avec quelques gouttes d’alcali. Je me sentais mal au cœur, mal à la tête, je ne savais ce que je disais ; je voulais toujours aller me promener et boire à même des bouteilles. On me couche ; je chante, je saute dans mon lit ; enfin je m’endors pendant que maman me mouille le front et la tête avec de l’eau froide. J’ai dormi douze heures sans bouger, et, quand je me suis réveillé, j’avais encore mal à la tête et mal au cœur. Tu vois que je sais très bien ce que c’est que d’être ivre.

Henri.

C’est drôle, cela. Je voudrais bien avoir été ivre aussi.

Léonce.

Quelle bêtise tu dis ! Quand on est ivre, on est comme un imbécile, un animal. Je t’assure que,