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« S’ils allaient revenir ! se disait-il. Les méchants gueux ! les lâches ! les misérables ! Comment rester dans le pays après une telle honte ? Je partirai ; cette nuit je ferai mes paquets, j’emporterai mes sacs d’or et j’irai à cinq cents lieues d’ici… J’entends du bruit !… Quelqu’un vient !… Je suis perdu ! »

Quelqu’un venait en effet, mais c’était Lamalice, qui fuyait comme lui la foule et qui courait pour rentrer chez elle. Elle aperçut Esbrouffe et eut peur. Mais la marche lente, l’air abattu de son ennemi la rassurèrent ; en passant devant lui, elle lui jeta un regard craintif et s’aperçut que ses vêtements étaient trempés et qu’il semblait marcher avec peine.

Elle s’arrêta et lui demanda avec intérêt :

« Qu’avez-vous, monsieur Esbrouffe ? Voulez-vous que je vous aide à revenir jusque chez vous ?

— Oui », dit Esbrouffe en acceptant l’appui que lui offrait Lamalice.

Ils furent longtemps avant d’arriver. Esbrouffe grelottait, tremblait et s’arrêtait sans cesse ; Lamalice ne témoigna aucune impatience ; il ne parlait pas, elle ne disait rien non plus. Quand ils furent arrivés devant la porte d’Esbrouffe, il quitta Lamalice et lui dit merci sans la regarder, ouvrit sa porte et la referma sur lui. Lamalice pensa qu’il aurait pu la remercier mieux que cela.

« Mais, se dit-elle, ce n’est pas sa faute : il n’a pas de cœur, le pauvre homme. »

Quand elle entra, elle ne trouva personne : pour-