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avait gardé son dé, mais il n’était plus qu’un dé très ordinaire ; il empêchait son doigt d’être piqué.

Le lendemain de bonne heure, un bruit assez étrange se fit entendre à la porte de la maison ; plusieurs personnes semblaient se quereller à mi-voix ; on avançait, on reculait. Lamalice, qui déjeunait avec ses parents avant de se mettre à l’ouvrage, alla voir ce qui se passait ; elle ouvrit la porte ; à peine avait-elle avancé d’un pas, que des cris d’effroi se firent entendre, et une troupe de gens amenés par Esbrouffe se sauvèrent de tous côtés. Lamalice, surprise de ces cris et de cette fuite, leur demanda ce qu’il y avait.

« Arrêtez la sorcière ! cria Esbrouffe. Prenez garde qu’elle ne vous échappe ; elle glisse dans les mains comme une anguille. »

Les plus hardis s’avancèrent d’un air craintif, et, s’approchant de Lamalice, voulurent la saisir ; Lamalice, effrayée, rentra précipitamment en refermant la porte sur elle. Le tumulte et les cris recommencèrent. Sanscœur et sa femme ne savaient quel parti prendre ; ils devinaient qu’Esbrouffe avait fait croire aux gens du village que Lamalice était une sorcière, c’est-à-dire une protégée du diable, et qu’au moyen de la puissance du démon elle pouvait donner des maladies, causer des incendies, des tempêtes et tous les malheurs possibles aux personnes dont elle avait à se venger.

Le père Sanscœur chercha à sauver sa petite