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julien.

Je ne crois pas, maîtresse, je n’ai rien qui me tourmente.

madame bonard.

Tu es peut-être honteux de ta blouse ?

julien.

Pour ça non, maîtresse ; elle est encore trop belle pour ce que je vaux et pour l’ouvrage que je fais chez vous.

madame bonard.

Qu’est-ce que tu dis donc ? Tu travailles du matin au soir ; le premier levé, le dernier couché.

julien.

Oui, maîtresse ; mais quel est l’ouvrage que je fais ? À quoi suis-je bon ? À me promener toute la journée avec un troupeau de dindes ? Ce n’est pas un travail, cela.

madame bonard.

Et que veux-tu faire de mieux, mon ami ? Quand tu seras plus grand, tu feras autre chose.

julien.

Oui, maîtresse ; mais en attendant, je mange votre pain, je bois votre cidre, je vous coûte de l’argent ; c’est une charité que vous me faites, et je ne puis rien pour vous, moi ; voilà ce qui me fait de la peine. »

Julien passa le revers de sa main sur ses yeux. Mme Bonard s’arrêta et le regarda avec surprise.

madame bonard.

Ah ça ! qu’est-ce qui te prend donc ? Où as-tu pris toutes ces idées ?