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frédéric.

Je n’en sais rien ; je suis parti tout de suite avec le collier pour le faire arranger.

madame bonard.

C’est singulier ! Mais tout de même, je ne veux pas que mes dindes se perdent sans que je sache où elles ont passé. C’est toi que cela regarde, Julien. Il faut que tu me retrouves ma dinde ou que tu me la payes. Va la chercher dans les environs, elle ne doit pas être loin. »

Julien se leva et courut de tous côtés sans retrouver la bête disparue. Il faisait tout à fait nuit quand il rentra ; tout le monde était couché. Julien avait le cœur gros ; il monta dans le petit grenier où il couchait. Une paillasse et une couverture formaient son mobilier ; deux vieilles chemises et une paire de sabots étaient tout son avoir. Il se mit à genoux, tirant de son sein une petite croix en cuivre qui lui venait de sa mère.

« Mon bon Jésus, dit-il en la baisant, vous savez qu’il n’y a pas de ma faute si cette dinde n’est plus dans mon troupeau ; faites qu’elle se retrouve, mon bon Jésus. Que la maîtresse et M. Bonard ne soient plus fâchés contre moi, et que Frédéric se souvienne que mes dindes y étaient toutes quand je les ai ramenées ! Je suis seul, mon bon Jésus ; je suis pauvre et orphelin, ne m’abandonnez pas ; vous êtes mon père et mon ami, j’ai confiance en vous. Bonne sainte Vierge, soyez-moi une bonne mère, protégez-moi. »

Julien baisa encore son crucifix et se coucha ; mais il ne s’endormit pas tout de suite ; il s’af-