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madame bonard.

Ah ! c’est M. Georgey qu’il s’appelle ; mes dindes lui ont donné dans l’œil, à ce qu’il paraît. Il est un peu drôle, tout de même.

caroline.

Lui vendez-vous vos dindes ? il les veut toutes.

madame bonard.

Toutes à la fois ? Que va-t-il faire de ces quarante-six bêtes qu’il faut nourrir et mener dans les champs ?

caroline.

Non, non, il en veut deux par semaine ; mais il les retient toutes. Combien les vendez-vous ?

madame bonard.

Je les vends quatre francs ; mais s’il faut les lui garder trois ou quatre mois encore, ce n’est pas possible ; les bêtes me coûteraient cher à nourrir ; de plus, elles dépériraient et ne vaudraient plus rien.

caroline.

Il m’a pourtant bien recommandé de les acheter toutes.

madame bonard.

Écoutez ; pour l’obliger, je veux bien lui en garder une douzaine, mais je vendrai le reste à la foire du mois prochain. Pas possible autrement ; elles sont toutes à point pour être mangées.

caroline.

Va-t-il être contrarié ! Il tient à vos dindes que c’en est risible ; les deux dernières que je lui ai servies, je croyais le voir étouffer, tant il en a mangé. Jamais il n’en avait eu de si tendres, de si blanches, de si excellentes, disait-il entre chaque bouchée.