Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’Anglais tira huit francs de sa poche, les mit dans la main d’Alcide, et caressa la dinde en disant :

« Jé croyais, moi, que lé pétite est un pétite scélérate qui vend ses hanimals trop cher… Porte-moi mon turkey ; il allait salir mon inexpressible.

alcide.

Monsieur veut que je lui porte son dindon ?

l’anglais.

Yes, my dear.

alcide.

Mais, M’sieur, c’est impossible, parce que je pourrais rencontrer quelqu’un de chez les Bonard, et qu’on pourrait croire que je l’ai volé.

l’anglais.

Jé né comprends pas très bien. Ça faisait rien, porte le turkey.

alcide.

Je ne peux pas, M’sieur ; on me verrait.

l’anglais.

— Pas si haut, my dear. Jé ne souis pas sourde. Jé té disais : Porte le turkey. Tu n’entendais pas ? »

Alcide chercha à lui faire comprendre pourquoi il ne pouvait le porter, et il profita d’un moment d’indécision de l’Anglais pour lui passer le dindon sous le bras et se sauver en courant.

L’Anglais, embarrassé de son dindon qui se débattait, le serra des deux mains pour l’empêcher de s’échapper. Le pauvre dindon, fortement comprimé, réalisa les craintes de son nouveau maître ; il salit copieusement l’inexpressible, c’est-à-dire le pantalon de M. Georgey. Celui-ci fit un oh ! indigné, ouvrit les mains d’un geste involontaire, et lâcha