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Caroline, qui était rentrée avec joie chez son ancien maître, aidait Mme Bonard dans les soins du ménage et ceux du bétail.

M. Georgey vivait heureux comme un roi, entouré de gens qu’il aimait et qui éprouvaient pour lui autant d’affection que de reconnaissance. Il résolut de se fixer dans le pays. Il acheta tout près des Bonard une jolie habitation au bord d’une rivière très poissonneuse où il pouvait se donner le plaisir de la pêche, et dont il voulut profiter pour y établir une usine. Caroline devint sa femme de ménage sous la direction de sa mère, qui était entrée avec elle au service de M. Georgey.

La fin du congé de Frédéric approchait, il ne restait plus que trois mois de cette bonne vie de famille ; il regrettait souvent de ne pouvoir la continuer jusqu’à la fin de sa vie.

« Mais, disait-il, il faut que je fasse mon temps ; j’ai encore trois années de service. »

Mme Bonard pleurait ; Frédéric cherchait à la distraire, mais plus le moment approchait, plus la tristesse augmentait, et plus Frédéric se sentait disposé à la partager.

« Ah ! si j’avais dix-huit ans, disait Julien, comme je partirais à ta place ! Et avec quel bonheur je vous donnerais à tous ce témoignage de ma reconnaissance.

frédéric.

Tu aimerais donc la vie de soldat ?

julien.

Non, pas à présent. Mais si c’était pour t’en débarrasser, je l’aimerais plus que tout autre état. »