Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.

supplié moi lui apprendre chose cruelle. Mais moi, je regardais à l’horloge et je disais :

« — No, Madme Bonarde, c’était impossible ; je attendrai oune heure entier dé soixante minutes. »

« J’avais du chagrinement, du gros cœur dé voir les larmoiements terribles dé la povre Madme Bonarde ; mais jé voulais pas ; j’avais prévenu, oune heure. Et c’était oune heure.

« Quand l’horloge avait sonné, jé m’étais levé ; j’avais été debout devant Madme Bonarde, j’avais croisé lé bras, les deux, et j’avais dit :

« — Madme Bonarde. »

« Elle répondait rien. C’était très étonnant. Jé dis encore :

« — Madme Bonarde. »

« Elle répondait rien. Jé regardais, et jé voyais qu’elle pleurait si énormément fort, que pouvait pas dire un parole. Jé dis lé troisième fois :

« — Madme Bonarde, jé voulais, jé devais dire à vous qué Fridric, votre garçone,… devinez quoi ?

« — Est mort ! elle répondait.

« — No, no, jé dis pas morte, pas morte.

« — Il est très malade, elle dit.

« — No, no, pas malade, jé dis.

« — Alors, quoi donc ? Dites, parlez ; vous me faites mourir ! »

« Fridric, jé dis, il allait très bien, il était très excellente ; mais il devait partir demain pour soldat ; aller très loin ; lui voulait vous vénir lé voir, lui donner les embrassements, lé bénédictions, lé consolations, cé soir et encore demain. »