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« À présent, dit Alcide, allons voir les autres curiosités. »

Et il se dirigea vers le champ de foire, où se trouvaient réunis les baraques et les tentes à animaux féroces ou savants, les faiseurs de tours, les théâtres de farces et les danseurs de corde. Ils entrèrent partout ; Alcide riait, s’amusait, causait avec les voisins. Frédéric avait la mine d’un condamné à mort, sérieux, sombre, silencieux. Sa montre lui causait plus de frayeur que de plaisir ; sa conscience, pas encore aguerrie au vice, le tourmentait cruellement. Sans la peur que lui inspirait son méchant ami, il serait retourné chez l’horloger pour lui rendre sa montre et reprendre l’argent, qu’il aurait reporté à M. Georgey.

Toute la salle riait aux éclats des grosses plaisanteries d’un Paillasse en querelle avec son maître Arlequin. Alcide avait à ses côtés deux jeunes gens aimables et rieurs avec lesquels il causait et commentait les tours d’adresse et les bons mots du Paillasse. Alcide y aurait volontiers passé la nuit ; jamais il ne s’était autant amusé. Mais Arlequin et Paillasse avaient épuisé leur gaieté et leur répertoire ; ils saluèrent, sortirent et la salle se vida. Dans la foule pressée de courir à de nouveaux plaisirs, Alcide se trouva séparé de ses aimables compagnons, et il eut beau regarder, chercher, il ne put les retrouver.

« C’est ennuyeux, dit-il à Frédéric, me voici réduit à ta société, qui n’est pas amusante. Tu ne dis rien, tu ne regardes rien, tu ne t’amuses de rien. J’aurais bien mieux fait de venir sans toi.