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après avoir bien, très bien vendu ses bestiaux, entendit le puissant appel de Mme Blondel ; fort effrayé, il pressa le pas et entra hors d’haleine dans la maison. Peu s’en fallut qu’il ne joignît ses cris à ceux de Mme Blondel ; sa femme était étendue par terre dans une mare d’eau, le visage noirci et brûlé, les membres agités par des mouvements nerveux. Mais Bonard était homme : il agissait au lieu de crier ; il releva sa femme, l’essuya de son mieux, la coucha sur son lit, lui enleva ses vêtements mouillés, lui frotta les tempes et le front avec du vinaigre, et la vit enfin se calmer et revenir à elle.

Mme Bonard ouvrit les yeux, reconnut son mari et sanglota de plus belle.

bonard.

Qu’as-tu donc, ma femme, ma bonne chère femme ?

madame bonard.

Frédéric, Frédéric ! ils l’ont assassiné, égorgé, étranglé, enfoui dans un fossé.

bonard, avec surprise.

Frédéric ! Assassiné, étranglé ! Mais qu’est-ce que tu dis donc ? Je viens de le quitter riant comme un bienheureux dans un théâtre de farces, en compagnie de Julien, de M. Georgey et, ce que j’aime moins, d’Alcide ; mais M. Georgey a voulu les régaler tous et leur faire tout voir.

madame bonard, joignant les mains.

Dieu soit loué ! Dieu soit béni ! Mon bon Jésus, ma bonne sainte Vierge, je vous remercie ! Je croyais que les voleurs l’avaient tué.