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« Il faut que je voie Alcide, se dit-il ; il faut que je le prévienne ; il a de l’esprit, il est fin, il trouvera peut-être un moyen de le perdre dans l’esprit de l’Anglais… Heureusement que nous avons encore une journée devant nous. »

Julien examinait la figure sombre de Frédéric et se disait :

« Il n’est pas content, à ce qu’il paraît. Il ne veut pas que j’aille à la foire, il a peur que je ne les empêche de tromper ce pauvre M. Georgey. Raison de plus pour que j’y aille. »

Ils restèrent quelques minutes sans rien dire, sans se regarder. Mme Bonard rentra pour servir le souper. Tous deux se levèrent. Frédéric allait parler, mais Julien le prévint.

« Maîtresse, dit-il en s’avançant vers elle, j’ai quelque chose à vous demander, une chose que je désire beaucoup.

madame bonard.

Parle, mon enfant ; tu ne m’as jamais rien demandé. Je ne te refuserai pas, bien sûr.

julien.

Maîtresse, j’ai bien envie d’aller demain à la foire.

madame bonard.

Tu iras, mon ami, tu iras. J’allais te dire de t’y préparer ; tu as bien des choses à acheter pour être vêtu proprement. Et ce n’est pas l’argent qui te manque, tu sais bien.

julien.

Avec tout ce que vous m’avez déjà acheté, maîtresse, je n’ai guère plus de dix francs ; à cinq