Page:Ségur - Le mauvais génie.djvu/116

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Frédéric continuait à se taire ; Mme Bonard, étonnée, regardait tantôt l’un, tantôt l’autre.

madame bonard.

Où est le morceau de porc frais ? L’aurais-tu mangé en compagnie de ce gueux d’Alcide ?

julien.

Tout juste, maîtresse ; et c’est ce que Frédéric n’ose vous dire, malgré qu’il en ait bonne envie et qu’il le regrette bien. Et il promet bien de ne pas recommencer.

madame bonard.

C’est-il bien vrai ce que dit Julien ?

frédéric.

Oui, maman, très vrai ; Alcide m’a obligé de lui laisser manger le morceau que vous aviez préparé pour ce soir, et il m’a obligé à le partager avec lui.

madame bonard.

Obligé ! obligé ! c’est que tu l’as bien voulu. Mais enfin, puisque tu l’avoues, que tu ne mens pas comme d’habitude, je veux bien te pardonner et n’en rien dire à ton père. Mais ne recommence pas, et ne fais plus de causerie avec ce méchant Alcide qui te mène toujours à mal. Julien, cours vite chercher quelque chose chez le boucher, et reviens tout de suite. »

Julien y courut en effet et rapporta un morceau de viande, que Mme Bonard se dépêcha de mettre au feu. Bonard ne se douta de rien, car il était parti pour travailler, et quand il rentra, la soupe était prête, la viande cuite à point et le couvert mis. Mme Bonard profita de son tête-à-tête avec Fré-