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Julien pensait, de son côté, qu’il ne trouverait jamais une si bonne occasion d’assurer son avenir tout en débarrassant les Bonard de la charge qu’ils s’étaient imposée en le recueillant dans son malheur ; le souvenir du reproche de Frédéric le poursuivait et le rendait malheureux.

« Que pourrai-je jamais faire pour ne plus être à la charité de mes excellents maîtres ? se disait-il. N’ont-ils pas Frédéric pour les aider à la ferme ? Il est grand, fort, robuste. Et moi qui n’ai que douze ans, qui suis petit, chétif, sans force, à quoi pourrai-je être employé ? »

Et il se décidait à accepter l’offre de M. Georgey lorsque se présentait à son esprit le chagrin de quitter M. et Mme Bonard, l’apparence d’ingratitude qu’il se donnerait en acceptant la première offre qui lui était faite par un inconnu, un étranger, un homme qu’il connaissait à peine, qui semblait être, il est vrai, brave homme, généreux, mais dont les idées originales, le langage bizarre, pouvaient amener des choses fort pénibles et tout au moins très désagréables.

M. Georgey ne disait plus rien ; il les examinait tous. Enfin, Mme Bonard trouva un moyen pour gagner du temps.

« Monsieur, dit-elle, Julien fera comme il voudra, mais il faut que vous me le laissiez jusqu’à ce que mes dindons soient vendus à la foire.

m. georgey.

Quand c’est lé foire ?

madame bonard.

Dans trois semaines, Monsieur.