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regardait fièrement Dérigny, dont le visage inondé de sueur témoignait du travail qu’il avait accompli. Mais le triomphe du général fut calme et silencieux. Il ne pouvait parler, tant sa poitrine était oppressée par ses longs efforts. Natasha et Romane contemplaient aussi en silence le magnifique aspect de cette vallée, couronnée de bois et de rochers, animée par la ville d’Ems et par le ruisseau serpentant bordé de prairies et d’arbustes.

« Que cette vue est belle et charmante ! dit Natasha.

— Et que de pensées terribles du passé et souriantes pour l’avenir elle fait naître en moi ! dit Romane.

— Et quel diable de chemin pour y arriver ! dit le général. Voyez Dérigny ! il n’en peut plus. Sans moi, il ne serait jamais arrivé !… Il fait bon ici, ajouta-t-il. Dérigny et moi, nous allons nous reposer sur cette herbe si fraîche, pendant que vous continuerez à parcourir le plateau. »

Le général s’assit par terre et fit signe à Dérigny d’en faire autant.

« Je regrette de ne pas avoir mes cigares, dit-il, nous en aurions fumé chacun un ; il n’y a rien qui remonte autant.

— Les voici, mon général, dit Dérigny en lui présentant son porte-cigares et une boîte d’allumettes.

— Vous pensez à tout, mon ami, répondit le général, touché de cette attention. Prenez-en un et fumons… Eh bien, vous ne fumez pas ?