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Le général passa dans la salle à manger, suivi de Dérigny, qui le servit à table ; cinq ou six domestiques étaient là pour aider au service.

« Ha ! ha ! ha ! dit le général, voyez donc, Dérigny, les visages étonnés de ces gens, parce que vous me servez à boire.

Dérigny

Pourquoi donc, mon général ? C’est tout simple que je vous épargne la peine de vous servir vous-même.

Le général

Ils considèrent ce service comme une familiarité choquante, et ils admirent ma bonté de vous laisser faire. »

Le souper dura longtemps, parce que le général avait faim et qu’on servit une douzaine de plats ; le général refaisait connaissance avec la cuisine russe, et paraissait satisfait.

Pendant que le général retenait Dérigny, Mme Dérigny, après avoir couché les enfants, examina le mobilier, et vit avec consternation qu’il lui manquait des choses de la plus absolue nécessité. Pas une cuvette, pas une terrine, pas une cruche, pas un verre, aucun ustensile de ménage, sauf un vieux seau oublié dans un coin.

Après avoir cherché, fureté partout, le découragement la saisit ; elle s’assit sur une chaise, pensa à son auberge de l’Ange-gardien, si bien tenue, si bien pourvue de tout ; à sa sœur Elfy, à son beau-frère Moutier, au bon curé, aux privations qu’au-