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abrock[1] de dix roubles à cent roubles. Je vendrai tous les dvarovoï[2]. les hommes, les femmes, les enfants ; mon oncle en a des quantités ; je les vendrai tous, excepté peut-être quelques enfants que je garderai pour amuser les miens. Il faut bien que mes garçons apprennent à fouetter eux-mêmes leurs gens ; ces enfants serviront à cela. Quand on fait fouetter, on est si souvent trompé ! Entre amis et parents, ils se ménagent ! Vous croyez votre homme puni ; pas du tout ! à peine s’il a la peau rouge ! C’est mon mari qui savait faire fouetter ! Quand il s’y mettait, le fouetté sortait d’entre ses mains comme une écrevisse… Mon oncle gâtait ses gens ; il faut que je remette tout cela en ordre… Ce Vassili ! il se repentira de n’avoir pas obéi à mes volontés en cachette de mon oncle… Commençons par lui… Vassili ! Vassili !… Où est-il ? Mashka, va me chercher cet animal de Vassili qui ne vient pas quand je l’appelle. »

La pauvre fille courut à toutes jambes chercher Vassili, et revint tremblante dire à sa maîtresse que Vassili était sorti et qu’on ne le retrouvait pas. Les yeux de Mme Papofski flamboyaient.

« Sorti ! sorti sans ma permission ! Mais c’est impossible ! Tu es une sotte ! tu as mal cherché ! Cours

  1. Redevance ou fermage que payent les paysans quand on leur abandonne la culture des terres.
  2. Les dvarovoï sont les paysans qui ont été attachés au service particulier des maîtres. Leurs familles ont à jamais le privilège de ne plus travailler la terre et d’être nourries et logées par le maître.